Marianne K. Leroux
Biographie :
De père grec et de mère allemande, c’est en France que Marianne K. Leroux, enfant, trouve refuge à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Le souvenir de la tourmente lui donne tôt le désir de se choisir un destin et un enracinement. C’est dans une très ancienne ferme du Haut-Doubs qu’avec Daniel Leroux elle construira son avenir. Dans la grange, ils installent un atelier de peinture ainsi qu’une imprimerie. Elle peintre, lui écrivain, ils se lancent en 1976 dans l’aventure de l’édition artisanale en créant la revue d’Ecologie rurale La Racontotte, dont Marianne K. Leroux est encore aujourd’hui la fidèle illustratrice. Par ailleurs, elle accompagne de ses dessins la naissance de nombreux livres de L’atelier du Grand Tétras. Le dialogue avec les oeuvres littéraires accompagne ainsi régulièrement son travail de plasticienne. Elle a collaboré aux romans de Daniel Leroux La demeure inaccoutumée (1996) et Le Mât du ciel (2005), à celui de Louis Reymond, L'âge malhabile (2007), au recueil de nouvelles de Frédérique Laurent Le Veilleur de Livres (2009), ainsi qu’aux livres de poèmes suivants : Enigmes des pierres (2002) et Ecrit sur la lumière ou En d'autres mots (2009) de Patrice Llaona, Glane de blé d'or (2007) d’Henry Tournier, La somme du feu (2007) de Philippe Païni et Empreintes (2010) de Timothée Laine.
Le regard et la main de Marianne K. Leroux président ensemble à la fusion du paysage intérieur et de l’appel pressant du grand dehors, si bien qu’on ne sait plus si le donné à voir rend compte d’une expérience étonnée du monde ou s’il en est l’invention continuée. L’oeuvre devant nous avoue que les deux sont indémêlables, car le rêve et la veille sont d’une même générosité. Ici le trait, fin d’abord, s’élargit, prend l’ampleur d’un courant organique, tend sa force vers une nuit abondante qui fait palpiter aussi des réserves de lumière. Le liquide là se perd en épanchement rayonnant : une abstraction, certes, mais sans concession ni complaisance ; une figuration presque des courants invisibles de la vie. Le rectangle dans la page nous fait face, il ne se fige pas, il invite à plonger vers un centre qu’on chercherait en vain, pourtant, à saisir. Qu’un trait en esquisse les contours, et voici aussitôt qu’un mouvement plus large le rattrape et l’absorbe. Qu’un instant la forme s’abolisse, et voila qu’un fin pinceau précis nous y rappelle instamment. Le geste de Marianne K. Leroux a à voir avec des sensations de commencement. Il indique des formes naissantes. Mais, le temps de les indiquer, d’autres déjà germent et pullulent sous nos yeux. On observe l’inconnu par, peut-être, une large fenêtre ouverte sur un ciel qui ne fait que poindre, ou sur une forêt foisonnante. Peu importe car, ici, c’est l’activité présente du dessin qui définit pour nous ses mesures, car c’est en nous qu’elle ravive et nourrit le sens de l’infini.
Philippe Païni.